Bilan de l'expédition 2002

Mercredi 5 juin à 20h15 sur ARTE :

"L'école des Inuit",

un reportage de 30 minutes sur notre expédition.

Un hiver glacial tardif
"Uummannaq – Thulé" : l'expédition impossible ?
Destination, durée et distance
La plus grande expédition pour des enfants jamais organisée
"L'école de la nature" pour aider des enfants à vivre mieux
Deux nouvelles expériences de tournages de documentaires télé
"Arcticinuit", notre site Internet et les écoles partenaires
L'expédition 2003
Ma 4ème expédition et mon retour en France
Un hiver glacial tardif

Le grand froid fut cette année très intense : entre – 15°C et –32°C pour les températures vues sur un thermomètre, sans tenir compte de l'effet de Chill, c'est-à-dire le vent qui abaisse énormément ces température théoriques. Durant les deux mois de mars et d'avril, ces températures se sont maintenues très basses, sans remonter autour de –10°C comme il est habituel au printemps. Mais le grand froid est venu trop tard : ce n'est qu'à la fin février que la banquise s'est formée solidement dans toute la baie d'Uummannaq. Nous avons donc commencé à sortir en traîneaux très tard dans la saison (par comparaison, fin décembre ou mi-janvier il y a quelques années) pour l'entraînement des chiens et des membres de l'expédition.


En traîneau au coucher du soleil - Dogsledging during sunset

"Uummannaq – Thulé" : l'expédition impossible ?
Cette année encore, le projet – ou plutôt le rêve – de rejoindre "l'ultima Thulé" des esquimaux polaires – terre habitée la plus septentrionale du monde – ne fut pas possible. Nous avions pris la décision de ne pas partir pour cette destination à la fin février en apprenant que le film documentaire sur cette expédition ne serait pas tourné cette année. 

S'il aurait été sûrement difficile mais probablement possible de monter jusqu'à Thulé au mois de mars par – 30°C de moyenne, il était vraiment impossible de redescendre en traîneaux à Uummannaq. Au mois d'avril, trois jeunes Norvégiens ont tenté de monter vers le nord. Ils se sont arrêtés à Upernavik car la mer y était dégelée. Comme le groupe 1 de notre expédition qui n'a pas pu, lui non plus, monter plus au nord.

Alors, s'il semblait impossible de faire l'aller-retour en traîneaux, pourquoi ne pas revenir en avion comme durant l'expédition de 1997 (qui a atteint Thulé) ? Le retour en avion (pour les membres et pour les chiens) a un coût énorme. Pour pouvoir réaliser cette expédition exceptionnelle, il faut des moyens eux aussi... exceptionnels ! Les fonds rassemblés auprès de fondations ou de sponsors ont été modestes et ne permettaient pas d'envisager une telle solution.

Le rêve existe toujours. L'ancienne génération des jeunes du foyer, la première à avoir participé aux expéditions en traîneaux, l'a réalisé par deux fois (en 1997 et 1998). Pour la nouvelle génération, celle des jeunes de 15 ans comme Maassa, Boye, Mikael et Ludvig, il est prévu de tenter l'expédition "Uummannaq – Thulé" en mars 2003. Ils ont 15 ans et encore tout le temps devant eux. Mais comme toujours, ce seront les moyens financiers du foyer et l'état de la banquise sur tout le trajet qui en décideront au moment venu.


La dure vie des chiens de traîneau de l'Arctique - the hard life of Arctic sledge dogs


Destination, durée et distance

Comme l'année passée, l'expédition a été divisée en deux groupes. Le premier groupe (avec notamment Boye, Ludvig, Klara et Makku) a atteint un petit village du district d'Upernavik vers le nord du Groenland. Le deuxième groupe (avec notamment Nukaaraq, Maassa, Frederikke et moi) est resté en baie d'Uummannaq, avec pour destinations le refuge d'Uummannatsiaq et les petits villages de Qaarsut et de Niaqornat (où nous avons séjourné plusieurs fois). Après un entraînement de deux semaines à la fin février, l'expédition s'est déroulée du début mars à début mai. Deux mois et demi passés à parcourir la banquise en traîneaux. Impossible de déterminer exactement le nombre de kilomètres parcourus. Néanmoins, tous les voyages effectués représentent pour tous les membres une distance entre 1000 km et 2000 km.


Maassa se sert du fouet pour faire tourner les chiens à droite - Maassa using the whip to make the dogs turn right


La plus grande expédition pour des enfants jamais organisée

Cette année encore, le nombre de participants a été très élevé. Plus de vingt jeunes (de 8 à 21 ans) ont participé à l'expédition à un moment ou à un autre, une dizaine d'entre eux durant les deux mois. Et cette année pour la première fois, nous avons pu faire une place aux deux jeunes handicapés du foyer : Alf et Emiiliaka ont vécu une nouvelle expérience et ils ont beaucoup aimé.

Pour encadrer ces jeunes, il y avait une quinzaine d'éducateurs et d'employés (dévoués et prêts à partir longtemps pour vivre dans des conditions précaires) ainsi qu'une douzaine de chasseurs professionnels (les meilleurs de la région). En tout, une cinquantaine de personnes ont été membres de l'expédition sur sa totalité ou sur une partie. Et puis, n'oublions pas nos fidèles compagnons : plus de 300 chiens pour tirer plus de 20 traîneaux… Notre expédition, c'est d'abord une grande caravane.

Ces chiffres – plus de 50 personnes, plus de 20 traîneaux, plus de 300 chiens – montrent bien que notre expédition a encore été cette année l'une des plus grandes de l'histoire polaire en nombre de participants et de traîneaux. Sans aucun doute, l’expédition la plus longue jamais entreprise dans l'Arctique (et peut-être dans le monde) avec un si grand nombre d’enfants.


Najaaraq Dina et Maassa montrant le drapeau du Groenland dans l'école d'un petit village - Najaaraq Dina and Maassa showing the Greenlandic flag at the school of a settlement  

"L'école de la nature" pour aider des enfants à vivre mieux

L’expédition « Uummannaq – Thulé », impossible pour cette année, a été remplacée par « l’école de la nature » et par de nombreux séjours dans les petits villages à la vie restée plus traditionnelle. Cette "école de la nature" signifie que les jeunes ont vécu dans de grands espaces naturels sauvages (en refuges ou sous tentes), parfois isolés de toute présence humaine, où ils ont appris à pêcher le flétan et le requin, à chasser le phoque (au filet ou au fusil), à résister au froid en s’habillant correctement, à obtenir de l’eau potable en faisant fondre des morceaux d’icebergs, etc. Les jeunes ont donc continué d'apprendre à vivre dans l'environnement qui est le leur et qu'ils aiment : la nature grandiose et rude du Nord Groenland les pousse à se dépasser en faisant ressortir ce qu'il y a de mieux en eux. Bien plus qu’un apprentissage technique, cette expérience éducative est donc d'abord une thérapie pour les aider à surmonter les traumatismes de leur enfance maltraitée. Elle est l'un des moyens pour qu'ils reprennent confiance en eux-mêmes, pour qu'ils se sentent mieux dans leur peau et pour qu'ils retrouvent la fierté perdue à cause des violences physiques ou morales subies dans leur enfance. Une fierté nouvelle pour eux mais qui vient du passé : celle de leurs grands ancêtres, ces chasseurs esquimaux qui savaient survivre en harmonie avec la nature la plus hostile de la planète. Cette expérience éducative leur permet donc également de se réapproprier une identité inuit que la société moderne tend à faire oublier. C'est une revalorisation psychologique en même temps qu'une revalorisation culturelle.
Mikael caressant l'un de ses chiens - Mikael is touching one of his dog

Deux nouvelles expériences de tournage de documentaires télé

D'abord, une équipe de tournage de la célèbre émission "Thalassa" de France 3 est venue à Uummannaq pour filmer les séquences d'hiver d'une "escale au Groenland". L'émission, qui a pour sujet "la vie actuelle des Inuit", montrera un peu le foyer d'enfants et évoquera mon expérience à Uummannaq. Elle devrait être diffusée cet automne.
Ensuite, une équipe de la télévision allemande a partagé le quotidien de notre expédition pendant deux semaines et a réalisé un reportage de 30 minutes, "L'école des Inuit", qui passera sur ARTE le 5 juin à 20h15.
L'année prochaine, nous avons deux projets de films documentaires dont celui sur l'expédition dans sa totalité. Rien n'est encore sûr quant à la production de ces deux films, c'est-à-dire quant à leur financement et à leur diffusion.


Nukaaraq au départ d'Uummannaq - Nukaaraq leaving Uummannaq

"Arcticinuit", notre site Internet et les écoles partenaires

Près de 2000 photos ont été prises (diapositives et numériques) en deux mois. Certaines sont visibles sur notre site Internet. Le nombre total de photos prises au cours de toutes les expéditions se monte maintenant à plus de 8000…

Grâce au site, plusieurs centaines de personnes, principalement en France mais aussi au Danemark, au Groenland et au Canada, ont pu suivre l’expédition régulièrement (nouvelles envoyées une fois par semaine le plus souvent). Parmi les nombreuses écoles qui ont été en contact avec l'expédition, citons entre autres le lycée Santos Dumont à St-Cloud (Hauts-de-Seine) qui a une nouvelle fois prêté le matériel informatique nécessaire à la réalisation de ce site, le collège de Moÿ de l’Aisne (Aisne) dont le "Club Groenland" se réunit en dehors des heures de classe, et "Jeune TV", une télévision sur le "net" réalisée par les élèves d'un collège de la région parisienne. Un grand merci aussi à Christophe Verré, enseignant au lycée François Villon des Mureaux (78), qui a réalisé le site avec ses élèves l'année dernière et a mis à jour cette année toujours très rapidement le "carnet de route". Sans lui, pas de site Internet.

Cette année, la correspondance avec les enfants groenlandais qui participent à l'expédition a été moins importante que l'année dernière. C'est dommage car les enfants étaient prêts à y répondre. Quelques textes ont été traduits en anglais mais le site reste en très grande partie en français, c'est-à-dire malheureusement incompréhensible pour les non-francophones. Les enfants groenlandais ne peuvent pas comprendre par eux-mêmes le site qui raconte leurs propres aventures. Mais ils savent qu'elles sont suivies.


Victor est fier de montrer le phoque pris au filet par Uunartoq - Victor is proud to show the seal caught in the net by Uunartoq

L'expédition 2003

Que sera l'expédition l'année prochaine ? Jusqu'au dernier moment, le suspens demeurera. Car tout dépendra d'abord de la recherche de sponsors, qui commence maintenant, pour pouvoir financer cette nouvelle expédition. Tout dépendra ensuite de la solidité de la banquise qui se formera à la fin de l'hiver prochain. Plus elle se formera tôt et plus elle sera solide. L'état des glaces déterminera donc notre future destination. Et puis, il y a toujours le projet d'un grand film documentaire sur l'expédition "Uummannaq – Thulé". Ce qui est sûr, c'est qu'il y aura bien une nouvelle expédition pour les enfants d'Uummannaq qui partira dans les premiers jours de mars 2003.


Jean-Michel photographe et conducteur de traîneau - Jean-Michel photographer and dogsledger

Ma 4ème expédition et mon retour en France

Pour la 4ème année, j'ai participé à l'expédition du foyer d'Uummannaq. Mon rôle, encore une fois, a été multiple : photographe bien sûr (pour le foyer, pour le site Internet, pour des expositions, etc.), mais aussi traducteur et organisateur pour les tournages, employé du foyer (organisation des voyages, accompagnement des enfants, etc.), aide conducteur de traîneau (et même plusieurs fois unique conducteur). Mais je savais que cette expédition serait particulière : ce serait la dernière en tant que résident presque permanent au Groenland.   

Je suis donc rentré en France au début du mois de mai. Après avoir vécu à Uummannaq, sur cette petite île de la côte ouest du Groenland et à plus de 600 km au nord du Cercle Polaire, j'ai besoin… d'air frais. Après avoir partagé la vie des Inuit pendant près de 4 ans, j'ai besoin de retrouver tous ceux et tout ce que j'aime en France, ma famille et mes amis, ma langue et ma culture. Mon centre de gravité change puisque je vis désormais en France mais je sais déjà que je repartirai au Groenland. Cet été, je vais aider l'équipe de Thalassa à terminer leur émission à Uummannaq. L'hiver prochain, j'espère pouvoir me joindre à nouveau à l'expédition. En attendant, je veux continuer à témoigner sur cette aventure exceptionnelle : films, articles dans la presse, expositions photos, diaporamas, conférences, etc. En attendant de repartir, car comment résister à cet appel du nord ? Impossible d'oublier Uummannaq, la nature exceptionnelle de l'Arctique, les enfants du foyer et tous mes amis inuit. Je leur dois tant.